Les Noeuds émotionnels et la pratique
Dans la pratique des arts martiaux, du Taï Ji ou du Qi Gong, il peut arriver que les pratiquants perçoivent des difficultés dans leur posture, leurs mouvements, leur attention ou leur compréhension.
Ces handicaps peuvent les empêcher de mémoriser les enchaînements ou de pratiquer avec tranquilité les mouvements, de se sentir motivé pour s’impliquer dans les exercices. Il est aussi possible physiquement qu’ils ressentent des douleurs ou des tensions dans différentes parties du corps. il est alors fondamental de vérifier si des émotions ne seraient pas la cause de ces troubles.
L’affect infecté
la médecine chinoise nous enseigne, par l’intermédiaire des sages taoïstes, l’existence de noeuds émotionnels (Jié ? ) implantés dans le corps, et principalement dans les 5 trésors : les organes Yin (Zang ? ). Ces noeuds perturbent les lieux où ils se trouvent et provoquent de graves maladies (cf Bienheureuse Maladie éd. Dervy de Bruno Repetto). Implantés durant la vie foetale, ils se développent sous l’influence de nouvelles émotions tout au long de la vie.
Toute personne naît donc avec 9 noeuds qu’elle développera ou non, selon la bonne ou mauvaise gestion de ses stress et émotions. si le corps possède des moyens naturels pour éliminer les émotions : l’urine, les selles, la transpiration, les règles, la verbalisation, les rêves, etc… il ne peut se protéger contre un choc émotionnel. Lorsque celui-ci est trop intense, il s’incruste dans les organes, puis les perturbe en émettant dans les méridiens et dans le sang un poison qui altère aussi bien le corps (tumeurs, cancers…) que le psychisme (angoisse, dépression, agitations,irritabilité, neurasthénie, mélancolie…).
Or, tout individu est amené à vivre de gros stress durant sa vie : divorce, deuil, accident, agression, séparation, maladie … S’il ne possède pas les moyens d’évacuer ces émotions, elles peuvent s’accumuler dans le corps comme des « poubelles psychiques » : l’affect devient infecté. Il est alors aisé de comprendre que le pratiquant peut en ressentir les effets nocifs dans sa vie quotidienne.
Des éléments perturbés
Un noeud situé dans le foie peut provoquer des tensions musculaires, des crampes, une impatience, une irritabilité pour le pratiquant à ne pas être fidèle à ce qu’il étudie : l’élément Bois est altéré et une tension intérieure apparaît. Si le noeud se situe dans les reins, il peut provoquer de la fatigue, des douleurs lombaires, un Yao (région des lombes) bloqué, une difficulté à se ressourcer : l’élément Eau est altéré par le noeud et l’adaptabilité n’est plus au rendez-vous, la relation intime avec Ming men devient plus difficile, la personne ne sait plus alors ce qui lui correspond réellement dans sa destinée (est-ce-que cette technique lui correspond par exemple ?). Si le noeud siège dans les poumons, le pratiquant se sent facilement essoufflé, il ne se défend pas bien contre les maladies saisonnières et les virus, il a des difficultés à maintenir des postures qui nécessitent de lever les bras vers le ciel car ses épaules deviennent vite douloureuses, il manque de confianc dans sa pratique et doute souvent; quand l’élémnet Métal est altéré par le noeud, l’intégration des techniques devient plus problématique, le dosage dans la vitesse et l’amplitude des mouvements se trouvant faussé. Si le noeud se situe dans la rate, il rend la personne lourde, elle manque de densité, la digestion est perturbée, les postures sont moins stables, les lignes de gravité altérées et la position aussi. Si l’élément Terre est touché, souvent les pratiquants ne se sentent pas nourris par leur pratique, celle-ci leur étant comme extérieure. une routine s’installe dont le sensuel est absent. Si le noeud siège dans le coeur, la poitrine et le haut du dos sont souvent bloqués, rigides, le diaphragme ne sépare pas aussi bien le clair du trouble. Le feu n’est plus utilisé comme il le devrait, le Shen est troublé, le pratiquant manque alors de joie, pose beaucoup de question sur lui et sur sa pratique. La tranquillité et la paix intérieure ne sont plus présentes, l’ennui le gagne et il ne discerne plus les transformations inhérentes à son activité.
Ces noeuds émotionnels altèrent toute sa perception du monde et de lui-même. La pratique énergétique -Qi Gong ou Tai Ji Quan- ne suffit pas à elle seule à les dissoudre car elle est toute entière imprégnée de cette distorsion de perception. La qualité de l’enseignant, comme celle de la pratique, n’est pas ici à mettre en cause. C’est comme si vous essayiez de pratiquer le Tai Ji avec une épine dans le pied ! la pratique peut tout au plus apporter quelques changements superficiels (Bian ? ), mais malgré les efforts du pratiquant et la qualité de son enseignat, elle ne débouchera pas sur une transformation essentielle et profonde (Hua ? ). Ce qui engendre souvent une frustration à la mesure de son investissement.
Une transformation alchimique
Une difficulté supplémentaire tient à la nature propre des noeuds. D’une part, ils induisent en même temps une déficience et une plénitude d’énergie dans le corps, en vidant l’organe par « parasitage » tout en l’obstruant par sa présence grandissante puisqu’il se nourrit de toute nouvelle émotion. D’autre part, la substance constituant le noeud n’est pas énergétiquement semblable à ce que l’on perçoit habituellement dans le corps ou autour du corps lors de soins ou de diagnostics énergétiques. En acupuncture, il faudra donc avoir développé une capacité de ressenti particulière pour les diagnostiquer. C ‘est pourquoi tout traitement raisonnant en terme de vide ou d’excès (tonifier ou disperser) se montrera inefficace ! Mon expérience d’enseignement m’a conduit au constat qu’une pratique énergétique seule ne peut aider à dénouer efficacement ces noeuds.
Pour les thérapeutes, la grande difficulté réside dans le fait qu’un noeud ne peut être enlevé que si la main le ressent. Ce « senti » réclame un nouveau référentiel qui demande un apprentissage. Pour évacuer le noeud, le pratiquant devra accepter de s’enfoncer en conscience dans le lieu où l’énergie émotionnelle est refoulée, et de faire un avec l’organe, l’émotion, et la compréhension qui en surgit.
Il s’agit là d’un travail de type alchimique, c’est à dire avec transformation d’une matière en une autre, de niveau vibratoire plus élevé, en relation avec les transformations intérieures de celui qui opère.
Lorsque le travail est accompli dans l’exigence de sa totalité, la transformation (Hua ? ) permet alors de libérer tout le contenu énergétique bloqué dans l’organe. La pratique se trouve alors régénérée par l’intégration des 5 éléments constitutifs de la vie (le bois, le feu, la terre, le métal, et l’eau) moins intellectuelle qu’au préalable, offrant la possibilité d’une meilleure résonance aux différentes formes d’énergies de la vie. La pratique devient alors ouverture vers les cheminements intérieurs et la découverte de s terre profonde.
Une invitation au mystère…
Bruno Repetto